4

Jaina Solo était assise, seule, aux commandes de son vaisseau. Les terminaisons nerveuses de sa cagoule extraterrestre étaient collées à son visage. Elle concentrait son attention sur les détecteurs de l’appareil et sur le secteur dans lequel elle s’attendait à ce que sa proie apparaisse. Sa cible n’était autre que Shimrra, Seigneur Suprême des Yuuzhan Vong. Elle espérait qu’en le tuant, l’armée des envahisseurs Yuuzhan Vong s’écroulerait comme un château de cartes.

L’information avait été transmise par les services de renseignement de la Nouvelle République seulement trois jours standard auparavant. On attendait la visite du Seigneur Suprême sur Obroa-skai, la planète des archives. Obroa-skai avait été envahie et le contenu de ses vastes bibliothèques était en cours de traduction en langage Yuuzhan Vong. On avait confié aux prêtres Yuuzhan Vong, protégés par des détachements de soldats, le soin de s’occuper des archives. Les vaisseaux Yuuzhan Vong grouillaient dans le système et la planète abritait un yammosk, à même de coordonner les actions des pilotes en mission dans cette zone.

Les seules personnes qui avaient accès aux bibliothèques étaient les ennemis. Il était même possible que Shimrra y soit attendu pour, en personne, prendre connaissance d’une information essentielle venant tout juste d’être traduite. Obroa-skai était à présent la propriété des Yuuzhan Vong. Et Jaina donnerait cher pour en faire leur cimetière.

Jaina attendait, se servant de la masse de la géante gazeuse Obroa comme d’un bouclier pour échapper aux détecteurs installés sur la planète-bibliothèque. Elle attendait de déclencher son piège. Encore un dernier effort, songea-t-elle, et tout ceci sera peut-être terminé. Si Shimrra se faisait tuer, les Yuuzhan Vong ne s’en relèveraient probablement pas. Et, même si l’ennemi s’en remettait, la mort du Seigneur Suprême pourrait passer comme une revanche à la chute de Coruscant, ce qui permettrait à la Nouvelle République de reprendre son souffle.

Jaina souhaitait intensément mettre un terme à cette guerre. Dès le premier jour, elle s’était trouvée sur la ligne de front. A l’époque, elle était joyeuse, confiante, sûre de ses aptitudes, du pouvoir de la Force et de l’ordre de l’univers. Depuis, la guerre lui avait enseigné tant de choses… Elle lui avait enseigné le doute, la terreur, l’anxiété, la crainte et la colère. Jaina avait découvert les limites de la Force et les limites de sa maîtrise. La guerre lui avait révélé les ténèbres tapies en elle, et combien il était facile pour ces ténèbres de la submerger, de la pousser à la fureur, à la vengeance et au massacre. Plus que tout, la guerre lui avait enseigné la tristesse. La tristesse d’avoir perdu ses frères, Anakin et Jacen, Chewbacca, son équipière Anni Capstan et Teneniel Djo, la Reine Mère Hapan. Tous ces guerriers qui étaient morts en combattant à ses côtés, ces Jedi qui avaient succombé à l’impitoyable programme d’extermination des Yuuzhan Vong… Et ces milliards de réfugiés inconnus, pris en plein conflit, anéantis ou bien privés de ce qu’ils possédaient, séparés de ceux qu’ils chérissaient.

Jaina avait fait l’apprentissage de sa propre fragilité. Elle avait un temps perdu la vue au combat et expérimenté la frustration de se retrouver invalide. Elle avait été capturée par l’ennemi. Elle avait découvert combien il lui était facile de mourir… Jaina en avait trop appris. Et trop vite. Elle avait besoin de repos afin d’essayer de comprendre tout cela et de concilier ce nouveau savoir avec son nouveau quotidien. Mais ce n’était pas le moment de se reposer. Son travail était essentiel, on avait trop besoin de ses talents. Elle devait d’abord en finir avec cette guerre et, ensuite, elle prendrait le temps de réfléchir. A condition, bien entendu, que la guerre ne la tue pas avant.

Lowbacca émit un long grognement dans le comlink. [Grrrrrrrr.]

— Il est déjà arrivé aux Yuuzhan Vong d’être en retard, mon vieux.

Mais pas assez souvent à mon goût, ajouta-t-elle en pensée.

[Tu ne crois pas que les services de renseignement de la Nouvelle République se seraient encore une fois trompés et nous auraient envoyés ici pour rien ?]

— Je n’en serais pas surprise.

[Alors, nous pouvons retourner à la base et prendre un repos bien mérité, non ?]

— Mais si les services de renseignement ont raison, ajouta Jaina, plus pour elle-même que pour son lieutenant, alors c’est l’occasion ou jamais. Ce sera comme pour la destruction de la seconde Etoile Noire, avec l’Empereur à son bord.

[Alors, qu’il se ramène, ce Seigneur Suprême !]

Pendant que Lowbacca lui grondait son impatience, Jaina perçut un tremblement dans sa connexion avec la frégate extraterrestre. Une vibration semblable à une secousse sismique dans le cosmos. Les basals dovins de son vaisseau répondaient à un flux gravifique marquant l’arrivée de nombreux engins depuis l’hyperespace.

— Lowie ? dit-elle. Je crois bien que ton vœu vient d’être exaucé.

 

Elle n’était pas parvenue à aimer la frégate confisquée aux Yuuzhan Vong. En général, Jaina s’appropriait un appareil en le démontant complètement de ses propres mains avant de le remonter de toutes pièces. Elle apprenait à apprécier chaque composant, chaque servo, chaque câble d’alimentation, chaque rivet. La frégate capturée à l’ennemi, en revanche, ne pouvait pas être démontée. Pas sans la tuer, en tout cas. C’était une entité organique complète et il fallait la considérer comme un être vivant. L’interface de contrôle, par le truchement de la capsule de commande, était difficile à maîtriser. Les systèmes vivants de l’engin étaient complexes et difficiles à appréhender. Les basals dovins employés pour la propulsion et les défenses étaient aussi stupéfiants qu’efficaces. Son précédent appareil avait été un chasseur de combat : agile, rapide, manœuvrable.

Cette frégate, la Supercherie, était énorme. Elle était rapide, certes, mais la manœuvrer s’avérait aussi difficile que de tenter de piloter un bloc d’immeubles. Les changements de trajectoire semblaient durer une éternité. Et il n’existait aucun moyen d’échapper à un tir ennemi en prenant la tangente. Il fallait se contenter d’espérer que les défenses de l’appareil soient assez puissantes pour encaisser les coups et survivre aux attaques.

Mais, même si Jaina ne réussissait pas à aimer la frégate, elle avait tout de même appris à la respecter. Elle admirait sa robustesse, l’intégrité de sa conception, ses aptitudes à s’auto-réparer, son refus entêté de mourir au combat, même après avoir été criblée d’impacts par ses congénères. Lors des affrontement de Hapes, l’appareil avait été mortellement blessé, mais, curieusement, avec l’aide des scientifiques Hapan ayant étudié toutes les formes de vie Yuuzhan Vong, il avait survécu et réparé une grande partie de ses dommages. Pas complètement, cependant. Certaines sections du vaisseau étaient irrémédiablement endommagées, mais, malgré les pans entiers de corail yorik détruits et le grand nombre de basals dovins désintégrés, le vaisseau avait repris du service, de nouveau prêt à risquer sa vie sous la houlette de Jaina.

Cette dernière l’avait baptisé la Supercherie. Le nom faisait référence a Yun-Harla, l’invisible, déesse Yuuzhan Vong de la Supercherie. Un tel nom était une claque pour l’orthodoxie religieuse de l’ennemi. L’astuce s’était avérée fort utile. Pendant les batailles de Hapes et de Borleias, cela lui avait donné un avantage tactique évident. Mais le nombre d’adversaires désirant farouchement détruire cet engin croissait sans cesse. Jaina frissonna à cette pensée. Les choses n’avaient guère changé.

— En route, Lowie.

Lowbacca, sous sa cagoule extraterrestre de commande, ordonna à la Supercherie d’accélérer, de contourner la géante gazeuse d’Obroa et d’apparaître sur les détecteurs ennemis. Des énergies gravifiques directionnelles commencèrent à animer les basals dovins intégrés à la structure du vaisseau. Même si un grand nombre d’entre eux avaient été détruits lors de l’affrontement à Hapes, l’énorme vaisseau vivant fit appel à ceux qui lui restaient pour se lancer dans une puissante accélération progressive que les appareils de la Nouvelle République auraient bien du mal à égaler.

Jaina transmit un message codé sur les canaux subspatiaux de la Nouvelle République installés par Lowbacca à bord de la frégate. L’orchestre est arrivé. Nous pouvons aller danser.

C’est à ce moment précis que les capteurs de la Supercherie détectèrent la flotte qui venait d’arriver dans le système d’Obroa-skai. En observant les moniteurs, Jaina sentit ses cheveux se hérisser sur sa nuque : huit frégates d’une taille comparable à la sienne, deux énormes appareils de transport, plus de coraux skippers et d’engins de patrouille qu’elle ne pouvait en compter. Et un gigantesque vaisseau ovoïde scintillant sur le tableau de commande comme un œil fixe et infernal. Pas aussi gros qu’un vaisseau-monde, mais bien plus gros que tout ce qui se trouvait dans le système, en dehors des planètes et de leurs lunes. Le vaisseau de commande personnel du Seigneur Suprême Shimrra, pensa Jaina. Enfin, les services de renseignement de la Nouvelle République ne s’étaient pas trompés !

Une autre onde gravifique résonna à bord de la frégate. Il s’agissait des ordres du yammosk, le coordinateur de guerre Yuuzhan Vong, exécutant la volonté d’un commandeur ennemi. Lowbacca laissa la Supercherie obéir aux directives du yammosk. L’engin changea de cap, mais tout doucement, comme endommagé ou dans l’incapacité de comprendre correctement les instructions. Le yammosk s’assura immédiatement que la frégate était bien endommagée. Les résultats de cette vérification ne rendraient l’absence de messages provenant de la Supercherie que plus convaincante.

Soudain, la fête commença. Surgissant de l’hyperespace, laissant croire qu’elles avaient suivi la frégate à la trace, les forces de la Nouvelle République firent irruption : neuf escadrilles de chasseurs, quatre canonnières Corelliennes, trois croiseurs de classe République des chantiers de Kuat, une frégate modifiée de classe Lancier confisquée à l’Empire pendant la Rébellion. Et deux croiseurs Mon Calamari MC80B, tous deux fort différents d’aspect mais possédant un assortiment de turbolasers, de canons ioniques et de dix escadrons de chasseurs chacun, capables d’ébranler les défenses de n’importe quelle planète. Comme des essaims d’insectes voraces, les escadrilles jaillirent des coques aux allures de crustacés des croiseurs. Tous étaient sous le commandement du général Keyan Farlander, héros Agamarien de la Rébellion. Ils apparurent juste derrière le vaisseau de Jaina, à la lisière du disque de la géante gazeuse Obroa.

Voilà, se dit Jaina. Ça c’est de la bataille…

Et ils suivaient ses plans. Ses plans à elle. Pendant un moment, sa joie féroce eut raison de tous ses doutes et elle eut la très agréable sensation de s’immerger dans une aura de puissance. Shimrra, prends garde à toi !

Les forces de la Nouvelle République étaient restées en attente à moins de quatre années-lumière de là, guettant le signal de Jaina pour procéder à un saut dans l’hyperespace aussi court que possible, jusqu’au système d’Obroa-skai. Elles avaient fait leur apparition hors de portée de la Supercherie, laissant ainsi croire que le retour en espace normal avait été mal calculé. Il fallait laisser croire au Seigneur Suprême Shimrra qu’il avait la possibilité de contrer l’embuscade.

D’autres ordres parvinrent du yammosk. Ils étaient trop nombreux et trop complexes pour que Jaina tente de les décoder. A travers les étranges sensations relayées par la cagoule, elle vit la flotte ennemie se déployer. Les vaisseaux les plus gros croisèrent inexorablement jusqu’à leurs positions, derrière des nuées de coraux skippers qui scintillaient dans la noirceur de l’espace comme des bans de poissons multicolores. Ils se mouvaient en parfaite synchronisation, avec une précision incroyable, grâce à la coordination du cerveau du yammosk.

Mais ils étaient en train de faire exactement ce que Jaina attendait d’eux. Probablement encouragés par leur modeste avantage en termes de puissance de feu, les Yuuzhan Vong s’apprêtaient à attaquer les forces de la Nouvelle République. Jaina avait craint que, si les vaisseaux de la Nouvelle République avaient simplement fait irruption dans le système pour attaquer, les Yuuzhan Vong ne se soient immédiatement regroupés autour du vaisseau de Shimrra, empêchant ainsi tout assaut direct sur le chef ennemi. L’apparition de la Supercherie, d’abord seule dans le secteur, pouvait laisser croire que c’était bien la Nouvelle République, et pas les Yuuzhan Vong, qui avait été prise au piège, qu’elle avait pourchassé un vaisseau endommagé et se heurtait alors à une armée gigantesque. La psychologie de combat des Yuuzhan Vong était fondée sur l’attaque, sur la férocité calculée d’une offensive en bloc. Jaina avait espéré que sa ruse les pousserait à se conformer à cette tactique. Et elle avait réussi.

Pendant un moment, elle n’eut rien d’autre à faire que de suivre les ordres du yammosk. Elle se laissa aller dans son grand fauteuil de pilote, conçu à l’origine pour accueillir un guerrier Yuuzhan Vong en armure, et tenta de détendre ses muscles tout en essayant de contrôler sa respiration. Elle laissa sa perception de la Force, toujours en éveil en marge de sa conscience, affluer dans son esprit pour accroître sa concentration.

Elle sentit la présence voisine de Lowbacca. Il était paré de la cagoule de commande qui lui permettait de diriger la navigation de la frégate. L’autre lieutenant, Tesar Sebatyne, focalisait son esprit aiguisé de prédateur reptilien sur les systèmes d’armement de l’appareil. Plus loin dans l’espace, elle perçut le sinistre mais fiable Corran Horn à la tête de l’Escadron Rogue et, à proximité, Kyp Durron et ses Apôtres, récemment regroupés. Le réflexe de Kyp, sentant la présence de Jaina dans la Force, fut de projeter une onde d’inquiétude. Elle mit un point d’honneur à lui répondre par une onde rassurante. Depuis que Jaina fréquentait Jagged Fel, Kyp assurait auprès de la jeune femme une présence presque paternelle. Aucun des deux ne savait comment aborder cette nouvelle relation qui contrastait avec le passé de Kyp, jadis jeune Jedi fougueux et déterminé.

Enfin, Jaina perçut la présence moins familière de Madurrin, la Jedi Anx, servant à bord du croiseur Mon Calamari Mon Adapyne, prête à se servir de sa connexion à la Force pour aider les équipes de la Nouvelle République. Jaina savait que d’autres amis se lanceraient bientôt à l’assaut de l’ennemi. Des amis qui ne possédaient pas les talents des Jedi, dont elle ne pourrait pas ressentir la présence dans la Force. Des amis qui volaient au sein de l’Escadron de la Lune Noire ou bien de l’Escadron Sabre, sans parler de ceux qui faisaient partie des Spectres, ce groupe ultrasecret qui pilotait des snoops, des engins capables de prendre de vitesse n’importe lequel des appareils ennemis.

Jaina baigna quelques instants dans le souvenir plaisant de ceux avec qui elle s’était entraînée, avec lesquels elle avait servi, qui avaient partagé ses triomphes et ses peines… Sur Myrkr, elle avait compris le pouvoir du lien psychique dans la Force, qui se produisait lorsque plusieurs Jedi unissaient leurs talents et leurs esprits, plus forts ensemble que chacun séparément. Le souvenir de cette union lui procura une sensation de joie.

Jacen ! songea-t-elle. La présence avait sonné dans sa tête comme une musique. Elle lutta pour recouvrer ses esprits, pour se sortir de la torpeur dans laquelle elle avait plongé, réagissant aux émotions contradictoires qui avaient soudain afflué en elle.

Un grondement de Wookiee résonna dans son comlink.

— Non, je ne sais pas ce qui s’est passé ! hésita-t-elle. J’ai dû décrocher pendant une seconde. Je suis désolée.

Lowbacca lui grogna une parole rassurante.

— Je me suis ouverte à la Force, mais j’ai dû certainement m’ouvrir à autre chose en même temps…

Avec prudence, Jaina projeta à nouveau son esprit dans les ondes de la Force. Elle ne sentit rien d’autre que le soutien inquiet de ses amis. Tout va bien, essaya-t-elle de transmettre par la pensée à ses compagnons. Mais elle ne pouvait s’empêcher de ressasser la question posée par Lowbacca. Qu’est-ce qui t’arrive ? A quoi donc avait-elle ouvert son esprit ? Qu’est-ce qui avait bien pu causer le flux soudain de souvenirs et d’émotions concernant son frère jumeau disparu ?

Dans le lointain, elle perçut les ordres du yammosk ennemi et vit la flotte Yuuzhan Vong les exécuter sur-le-champ. Les Yuuzhan Vong ne faisaient preuve d’aucune hésitation, ils n’avaient aucun sens de l’indécision ou de la peur. J’aimerais bien en dire autant des nôtres, pensa Jaina.

Son esprit se mit au travail pour analyser la situation et tenter de comprendre les intentions des ennemis suite à leur déploiement. Jaina était seule responsable du plan de la bataille qui allait bientôt se dérouler. Il s’appuyait sur plusieurs suppositions. Et Jaina ignorait si celles-ci demeuraient valables. Elle ne pouvait plus se reposer sur la certitude que les Yuuzhan Vong n’avaient pas encore compris que la Supercherie n’appartenait plus à leur propre flotte. Jaina avait déjà utilisé la frégate pour d’autres missions trompeuses et il était tout à fait possible que l’ennemi en soit informé. Une partie de son plan reposait également sur l’utilisation de basals dovins leurres, capables de s’accrocher aux appareils ennemis et de les identifier comme des adversaires de leur propre camp. Cette tactique avait été couronnée de succès dans la Nébuleuse de Hapes et à la bataille de Borleias. Mais, tôt ou tard, les Yuuzhan Vong apprendraient à ignorer ces faux signaux, voire à les contrer.

L’élément le plus crucial du plan était le brouilleur de yammosk mis au point par Danni Quee. Cet appareil était capable de perturber les ordres donnés par le coordinateur de guerre, perturbant les manœuvres au synchronisme parfait, presque effrayant, pour lesquelles les Yuuzhan Vong étaient si réputés. Si les Yuuzhan Vong avaient découvert un moyen de protéger leurs yammosks, cela impliquait donc que Jaina était en train de conduire la Flotte de la Nouvelle République à la destruction totale. Le Seigneur Suprême Shimrra serait aux premières loges pour assister à un nouveau triomphe des Yuuzhan Vong…

Pourvu que ça marche encore cette fois-ci.

Les deux flottes étaient en train de manœuvrer. Elles ne fonçaient plus tête baissée l’une vers l’autre, mais avaient modifié leurs caps pour contourner la géante gazeuse d’Obroa, suivant ainsi des trajectoires qui ouvriraient des lignes de mire plus vastes et plus précises aux canons des vaisseaux capitaux. Au cœur de la formation ennemie, des escadrilles de coraux skippers étaient affectées à la protection du vaisseau amiral attribué au Seigneur Shimrra. L’énorme engin croisait légèrement en retrait de la flotte, protégé par les autres appareils, mais il servait également d’écran protecteur aux gros engins de transport qui volaient dans son sillage. Entre les deux flottes se trouvait la frégate de Jaina – que les deux camps semblaient ignorer –, en voie de rejoindre la prétendue protection des escadrons Yuuzhan Vong.

Le yammosk ennemi adressa d’autres ordres à la Supercherie.

[On nous a ordonné d’aller nous poster à la poupe du vaisseau amiral], dit Lowbacca.

— Eh bien, jugea Jaina, voilà qui est parfait.

[Je fais ce qu’ils nous demandent ?]

— Oui. Mais restons naturels. Tu sais… Lents et maladroits, quoi…

Lowbacca répondit par un grognement dans lequel Jaina décela un éclat de rire.

La jeune femme se détendit et s’ouvrit à la Force, communiquant les informations qu’elle recevait par le truchement de la cagoule de commande extraterrestre. Les deux camps approchaient du point de non-retour, cette étape que les missiles et les chasseurs franchiraient bientôt pour investir l’espace qui s’étendait entre les deux flottes. Jaina observa l’ensemble des vaisseaux qui se mouvaient à travers le cosmos, essayant de calculer leur trajectoire.

Maintenant ! Elle projeta le message dans la Force. Elle sentit Madurrin recevoir l’ordre et le relayer verbalement à ses coéquipiers à bord du vaisseau amiral. A réception du signal, un appareil installé sur l’un des snoops de l’Escadron Spectre se mit à envoyer des ondes gravifiques interférant directement avec les codes émis par le yammosk ennemi. Immédiatement, le coordinateur de guerre se trouva dans l’incapacité de communiquer avec les différents éléments de la formation Yuuzhan Vong et les appareils de la Nouvelle République exécutèrent une manœuvre supplémentaire. Chacun modifia son cap pour filer vers le plus gros engin ennemi, le vaisseau personnel de Shimrra. Il devenait ainsi la seule et unique cible de près de cent appareils républicains. Si le yammosk Yuuzhan Vong était effectivement perturbé, l’ennemi ne pourrait pas coordonner une réponse à temps et, en raison de la proximité du champ gravifique d’Obroa, il ne serait pas, non plus, capable d’aller se réfugier dans l’hyperespace.

Jaina ne bougea pas, paralysée par cet interminable suspense, attendant de savoir si les brouilleurs fonctionnaient, si l’ennemi allait répondre. Elle perçut très faiblement les ondes perturbées dans la connexion qu’elle entretenait avec les basals dovins de la frégate. Le rythme des transmissions commençait à submerger les messages envoyés par le yammosk ennemi. Soudain, elle perçut un autre rythme tentant de supplanter le premier. Elle vit les vaisseaux ennemis répondre, réagir en parfait synchronisme à la manœuvre des appareils de la Nouvelle République. Tous les engins de l’armada de leurs adversaires modifièrent leur cap simultanément. Non ! pensa Jaina, horrifiée. Ce n’est pas possible ! Les brouilleurs avaient échoué. En fait, ils n’avaient fonctionné que pendant quelques instants, semant une vague de confusion chez les Yuuzhan Vong. En tout cas, la manœuvre de l’ennemi avait été retardée. Sa position de tir n’était plus aussi idéale que prévu.

Le désespoir envahit Jaina. Dégagez ! pensa-t-elle au travers du lien psychique. Quittez Obroa-skai et fuyez dans l’hyperespace. Maintenant ! Elle ne formula pas exactement ces propos, mais envoya plutôt une cascade frénétique d’images, d’impulsions et d’émotions qui reflétaient son anxiété.

Non ! La présence puissante de Corran Horn s’imposa dans la perception de Jaina. Sa réponse était un violent assemblage de sensations, de vibrations et de mots exprimant ses raisons et sa détermination farouche. Réfléchis !

Jaina succomba à la panique. Sa frégate filait vers les lignes ennemies et un escadron Yuuzhan Vong, mené par deux vaisseaux de taille identique à la Supercherie, venait de changer de trajectoire. Apparemment, ils ne voulaient aucun mal à l’appareil de Jaina, mais semblaient plutôt s’en prendre aux éléments républicains qui se trouvaient juste derrière elle. Des tracés de missiles apparurent sur les moniteurs. Là encore, aucun ne visait directement la frégate de la jeune femme.

La présence de Madurrin flotta dans le lien psychique de la Force, alertant tout le monde que Farlander allait exécuter une nouvelle manœuvre au dernier moment. Jaina ordonna à sa frégate de larguer ses missiles à l’approche de l’escadron ennemi. Comme dans le cas de bombes furtives, elle invoqua la Force pour les orienter vers les vaisseaux de guerre Yuuzhan Vong. Mais il ne s’agissait pas de bombes furtives et les missiles ne causeraient aucun dégât à l’ennemi. Enfin, pas directement. Chaque fusée contenait un basal dovin qui, une fois attaché à la coque d’un appareil hostile et mis en service, ferait passer son hôte pour un vaisseau appartenant à l’autre camp. Mais, en cet instant, sa confiance dans sa ruse n’était plus aussi grande. Si les Yuuzhan Vong étaient parvenus à contrer les brouilleurs de yammosks, il y avait fort à parier qu’ils étaient, ou seraient bientôt, en mesure de parer toutes les attaques prévues par Jaina.

L’escadron ennemi passa en trombe devant elle. Plusieurs leurres basals dovins s’accrochèrent à leurs coques. Jaina perçut une intensité dans la Force. L’ordre venait d’être donné à la Flotte de la Nouvelle République d’exécuter cette fameuse manœuvre surprise. Elle retint son souffle, et les escadrons de Farlander virèrent et accélérèrent, délaissant le vaisseau amiral de Shimrra pour tenter de barrer la route aux éléments ennemis en train de progresser. Et puis Jaina sombra un peu plus profondément dans l’angoisse. Elle sentit, par sa connexion avec ses propres basals dovins, que d’autres ordres étaient en train d’émaner du lointain yammosk. Les engins ennemis se tournèrent à l’unisson, à nouveau, réagissant à la manœuvre de Farlander. Cette fois, les Yuuzhan Vong n’avaient même pas été retardés. Ils avaient répondu à la tactique dès l’instant de sa mise en œuvre.

Le sang de Jaina se glaça. Les brouilleurs de yammosks n’avaient plus d’utilité. Cette immense contribution à l’effort de guerre, la pierre angulaire du plan de la jeune Jedi pour gagner les batailles ne servait plus à rien. Par pur désespoir, elle enclencha les basals dovins qu’elle avait tirés sur l’escadron ennemi. En dépit de sa réaction impulsive, le moment était parfait. Les leurres entrèrent en fonction à l’instant exact où les vaisseaux Yuuzhan Vong ouvraient le feu sur les escadrons de la Nouvelle République. Les missiles et rayons initialement destinés aux appareils alliés fusèrent sur les deux frégates qui, en retour, se mirent à attaquer furieusement les appareils plus petits. Jaina observa les différents engins Yuuzhan Vong s’affronter entre eux avec la même précision stupéfiante que lorsqu’ils étaient coordonnés par un yammosk.

Les pilotes et les artilleurs Yuuzhan Vong, à bord de leurs appareils, portaient tous la même cagoule vivante qui leur fournissait les informations. Ils ne connaissaient des combats que ce que celle-ci leur transmettait. Lorsque la cagoule leur signalait qu’ils se trouvaient devant un vaisseau ennemi, ils ouvraient le feu.

— Ça marche… dit Jaina.

[Bien sûr que ça marche], répondit Lowbacca.

Mais pourquoi ? La question flotta de l’esprit de Jaina jusqu’à celui de Corran Horn. Réfléchis. Il se passe… quelque chose.

Le feu embrasa les flancs des deux frégates ennemies alors que de plus en plus de missiles faisaient mouche. Les déflecteurs de basal dovin des Yuuzhan Vong avaient été conditionnés pour repousser les attaques d’un escadron de la Nouvelle République, pas leurs propres tirs. Et les engins subissaient de très gros dégâts. Soudain, alors que les vaisseaux extraterrestres se tiraient les uns sur les autres, les canons laser et les missiles à fragmentation de la Nouvelle République entrèrent dans la danse, bientôt suivis par les Apôtres de Kyp et deux autres escadrilles de chasseurs stellaires. Les appareils ennemis les plus petits furent désintégrés. Les deux frégates chancelèrent sous les assauts répétés.

Jaina poussa un cri de joie étouffé par la cagoule. Dans la Force, elle sentit Corran, Kyp et Madurrin combattant de concert, veillant à la manœuvre des divers éléments de la flotte dans un synchronisme similaire à celui dont bénéficiaient les Yuuzhan Vong avec leurs yammosks. Mais ils se trouvaient à bord de trois vaisseaux et ne pouvaient ainsi superviser que trois détachements, dont deux étaient des escadrilles de chasseurs. Le reste de la Flotte républicaine devait communiquer par le truchement de procédés plus conventionnels. Et un seul des cinq escadrons ennemis se trouvait en péril – l’escadron sur lequel Jaina avait tiré ses leurres basals dovins. Les autres engins Yuuzhan Vong affrontaient les appareils de la Nouvelle République selon des schémas standard de combat, manœuvrant toujours avec cette stupéfiante simultanéité assurée par le coordinateur de guerre.

Les forces de la Nouvelle République étaient supposées tirer un très grand nombre de missiles leurres sur leurs ennemis. Mais, pour être réellement efficaces, les basals dovins devaient d’abord franchir le barrage de feu, ce qui, apparemment, ne s’était pas encore produit.

Contrairement à ce que l’intuition pouvait laisser suggérer, les combats spatiaux de chasseurs impliquaient une mortalité inversement proportionnelle au nombre des appareils en lice. Lorsque les combats devenaient denses, les pilotes passaient plus de temps à surveiller leurs arrières qu’à pourchasser leurs adversaires. Le cerveau d’un pilote ne pouvait tout simplement pas enregistrer toutes les manœuvres des appareils croisant alentour. Ce n’était pas le cas avec le coordinateur de guerre Yuuzhan Vong. Le yammosk enregistrait les mouvements de chaque appareil dans l’espace, invitant par exemple les vaisseaux endommagés à manœuvrer de sorte que leurs camarades puissent leur porter secours. Les pilotes de chasseurs stellaires de la Nouvelle République, aussi courageux et entraînés fus-sent-ils, ne pouvaient surpasser une intelligence capable d’analyser les éléments simultanés d’une bataille en cours.

Jaina sentit son cœur bondir dans sa poitrine quand une frégate ennemie, puis une autre, explosèrent, trahies toutes deux par les basals dovins décochés par ses soins. Cela excepté, les Yuuzhan Vong semblaient parfaitement s’accommoder de la situation. Des flammes jaillirent d’une des canonnières Corelliennes. L’engin dériva, quitta la formation, échappant au contrôle de son pilote, ses propulseurs subluminiques détruits. Un des croiseurs de classe République essuyait un tir nourri. Autour de chaque formation allaient et venaient des nuées clignotantes de petites lucioles. Les chasseurs stellaires et les coraux skippers explosaient, leur existence s’abîmant dans une brève et silencieuse boule de feu.

Seule Jaina, qui avait réussi à traverser sans dommage la flotte ennemie, était en position d’observer cela et de se lamenter. Le yammosk offrait un avantage trop important aux Yuuzhan Vong. Elle sentit les efforts de Kyp et de Corran, luttant contre un adversaire dont les manœuvres semblaient dénuées du moindre défaut.

Réfléchis ! L’ordre de Corran s’immisça de nouveau dans ses pensées. Elle était à la tête du seul équipage qui n’était pas occupé par l’affrontement. Elle était donc la seule à pouvoir disposer d’un peu de temps pour réfléchir. Pourquoi le yammosk demeurait-il efficace alors que ses ordres étaient brouillés ? Pourquoi les brouilleurs ne fonctionnaient-ils pas contrairement aux leurres, basés sur les mêmes principes ?

Par les basals dovins de la Supercherie, elle sentit dans le lointain les ordres du yammosk ennemi, les ondes gravifiques qui présidaient aux déplacements des formations de Yuuzhan Vong. Elle perçut également le bourdonnement régulier du brouillage, ce brouillage qui aurait dû, normalement, perturber le signal ennemi. Que se passait-il donc ?

Réfléchis ! s’ordonna-t-elle pour tenter de répondre à la question. Elle laissa sa conscience s’absorber totalement dans les signaux complexes, essayant d’en comprendre les structures. Les rythmes de messages excessivement codés défilèrent dans sa tête – bien trop vite pour qu’elle parvienne à les suivre. Il y avait en fait deux motifs rythmiques, découvrit-elle, mais qui ne se superposaient pas. Le brouilleur et le yammosk donnaient l’impression de ne rien avoir à faire l’un avec l’autre. Quel était le problème ?

Soudain, sous le brouillage, Jaina commença à déceler quelque chose, un autre rythme. Elle se concentra, essayant de ne pas tenir compte du rythme implacable et répétitif du brouilleur. Là… Elle se raidit sous le coup de la surprise. Ce qu’elle venait de détecter ressemblait à s’y méprendre aux signaux d’un autre yammosk.

Deux yammosks ? La vérité apparut en un éclair. Le Seigneur Suprême Shimrra participait à la bataille avec son propre coordinateur de guerre, probablement embarqué à bord du vaisseau amiral. Il y avait donc un autre yammosk dans le système, en plus de celui implanté par l’envahisseur sur Obroa-skai, connu des services de renseignement de la Nouvelle République. Le premier yammosk avait été brouillé par les Spectres. Le second, opérant probablement sur une longueur d’onde gravifique différente, venait de prendre le relais.

L’espace d’un instant, les mains de Jaina se serrèrent dans les gants de contrôle. La jeune femme fut tentée de mettre en service le brouilleur installé à bord de sa frégate, mais elle hésita. Si l’ennemi détectait l’origine du brouillage, alors il découvrirait que la Supercherie était un leurre.

Elle ôta sa cagoule de commande et se précipita sur l’unité de communication.

— Chef des Soleils Jumeaux à chef des Spectres. Il y a un deuxième yammosk ! Il faut enclencher un deuxième brouilleur !

Le ton de Corran ne révéla aucune surprise à l’annonce de la nouvelle.

— Ici chef des Spectres. Message bien compris, Major.

Il y eut un petit décalage avant que Jaina ne parvienne à détecter le démarrage du rythme entêtant du second brouilleur. Il se passa encore quelques secondes avant que celui-ci trouve le bon signal et commence à le parasiter. Jaina, anxieuse, passa en revue ses scanners braqués sur les combats qui se déroulaient sous ses yeux.

Le synchronisme d’ordinaire effrayant des appareils ennemis commença à présenter des signes de fatigue. Les coraux skippers hésitèrent en pleine manœuvre, attendant les instructions au beau milieu de ce chaos mortel. Les vaisseaux républicains en tirèrent immédiatement avantage. La balance penchait maintenant en faveur de la Nouvelle République. Ses pilotes avaient l’habitude, eux, d’opérer avec des systèmes de communication et de coordination beaucoup moins parfaits que ceux des Yuuzhan Vong. Les pilotes ennemis, de leur côté, semblaient perdus depuis qu’ils étaient privés des ordres du yammosk.

— J’en ai eu un ! Le triomphe de Kyp résonna à travers la Force.

— J’en ai eu un autre ! annonça Corran Horn, ou plutôt eut-il le temps d’annoncer comme il se sentait moins sous pression.

Jaina en aurait presque pleuré de soulagement. Elle se détendit et se coula à nouveau dans la Force. Elle ne pouvait avoir aucune influence directe sur les combats, mais pouvait aider ses amis. Par le truchement du lien psychique de la Force, elle souhaitait leur envoyer tout son amour, son énergie et son soutien. Elle sentit alors leur puissance s’accroître, leur désir de triomphe s’amplifier. Les coraux skippers se volatilisèrent devant leurs canons.

Grâce à sa conscience de la Force, combinée aux informations qu’elle recevait par l’intermédiaire des senseurs de la Supercherie, elle observa les progrès de la bataille. Une fois les deux frégates ennemies détruites, les vaisseaux capitaux qui les avaient pilonnées se dégagèrent et allèrent aider un escadron de la Nouvelle République pour prendre en étau un détachement de Yuuzhan Vong. Plus loin, une autre frégate ennemie à laquelle était accroché un leurre basal dovins essuyait le feu nourri d’un de ses congénères et d’une escouade de coraux skippers. Le vent avait enfin tourné et Jaina exultait.

Mon plan ! Cela fonctionnait finalement.

[Jaina ?]

C’était la voix de Lowbacca.

— Oui ?

[Je pense qu’il est bon que tu saches que je viens de manœuvrer la Supercherie pour prendre position juste à l’arrière du vaisseau amiral ennemi.]

Jaina se raidit, les sens en alerte, et passa de nouveau la cagoule de commande sur sa tête. Immédiatement, elle détecta droit devant elle la poupe arrondie du vaisseau de Shimrra, avec ses innombrables canons à plasma, ses tubes lance-missiles et ses carénages incurvés qui, sans aucun doute, abritaient quelque chose. Probablement d’autres basals dovins utilisés pour la propulsion ou la défense.

Et dire que ce sont eux qui nous ont ordonné de nous poster à cet endroit ! songea-t-elle avec délectation.

— Très bien, dit-elle dans le comlink qui la reliait aux membres de son escadron. Réglez vos mires sur les canons et les tubes lance-missiles de la poupe de ce vaisseau. N’oubliez pas, non plus, les carénages. On ne sait pas ce qu’ils contiennent.

Les équipiers envoyèrent simultanément des signaux d’approbation et Jaina se consacra à l’exécution de ses ordres. La plupart des membres de son escadron étaient dispersés à bord de la frégate. Affectés aux postes d’armement ou de défense, tous portaient des gants et des cagoules similaires à l’équipement de Jaina. Certes, la jeune femme pouvait commander le vaisseau avec un effectif inférieur à douze personnes, mais l’efficacité en vol et au combat n’en était que plus grande si des êtres vivants occupaient les différents postes. Et ses pilotes débutants, qui représentaient exactement la moitié de l’effectif de douze personnes, étaient bien plus en sécurité ici, à bord de la frégate, qu’embarqués sur leurs chasseurs stellaires face à des ennemis beaucoup plus expérimentés qu’eux.

Tous les postes signalèrent qu’ils étaient parés. Jaina leva ses mains gantées devant elle. Dans la Force, elle envoya le message qu’ils s’apprêtaient à ouvrir le feu sur le vaisseau amiral. Au bout de quelques instants lui parvint la réponse du général Farlander, relayée dans la Force par Madurrin. Continuez.

— Toutes les batteries prêtes ? Alors ouvrez le feu !

La proue de la Supercherie s’embrasa et une flopée de missiles et de projectiles fusa par surprise vers la poupe de l’appareil ennemi. Des incendies éclatèrent à la surface de la coque du vaisseau amiral, de brefs points lumineux signalèrent que des douzaines de missiles avaient atteint leur cible. Jaina s’assura, au beau milieu de ce feu intense, de décocher deux de ses leurres basals dovins, un principal et un de réserve. Elle attendit que la première volée de missiles soit passée pour déclencher les leurres, signalant ainsi aux Yuuzhan Vong se trouvant dans ce secteur que leur vaisseau étendard était désormais un de leurs ennemis. Les soixante coraux skippers les plus proches, encouragés par cette information, plongèrent vers l’énorme vaisseau de guerre, arrosant ses flancs d’un feu nourri. Les petits appareils de chasse ne pouvaient guère causer d’importants dégâts à un appareil de cette taille, mais toute aide, aussi minime fut-elle, était bienvenue. Il y eut une pause entre la première volée de missiles et la deuxième, le temps que les artilleurs vérifient leurs collimateurs et ajustent leur visée vers les zones qui n’avaient pas encore été touchées. Et puis la proue de la Supercherie s’embrasa de nouveau et, cette fois, l’embrasement ne cessa pas.

Jaina avait bien l’intention de continuer à tirer jusqu’à épuisement de toutes ses réserves de munitions. Le vaisseau amiral fut, curieusement, assez lent à réagir. L’énergie des basals dovins était concentrée sur l’avant, aspirant les multiples projectiles dans des distorsions comparables à des trous noirs. Apparemment, les défenses ne pouvaient simultanément se charger de protéger complètement les arrières. De nombreux missiles firent mouche et un grand nombre de rayons décochés par la Supercherie, déviés par les anomalies gravifiques, n’explosèrent pas à la proue mais beaucoup plus loin, au milieu de la structure.

Après la première attaque de Jaina, l’ennemi ne disposait plus sur son arrière d’armes susceptibles d’ouvrir le feu. Les missiles de riposte furent tirés de batteries installées sur les flancs, devant alors décrire une vaste parabole pour pouvoir atteindre la Supercherie. Ils devenaient ainsi plus faciles à repérer et les basals dovins de la frégate purent facilement créer des perturbations gravifiques pour les anéantir.

— Nous sommes dans leur angle mort ! hurla Jaina tout en continuant de tirer.

Dans sa perception amplifiée par la Force, elle sentit la satisfaction de Kyp au moment où celui-ci abattait simultanément deux coraux skippers, le plaisir sinistre de Corran lançant son groupe aux trousses d’un escadron ennemi et la stupéfaction de Madurrin suite à l’explosion de deux autres frégates. La poupe du vaisseau amiral des envahisseurs étincelait d’une lueur rouge orangée sous les impacts répétés des missiles.

Jaina continuait de tirer.

— Chef Jumeaux, l’ennemi est en train de faire demi-tour, annonça une voix sur la console de communication depuis le vaisseau amiral républicain.

— Bonne nouvelle, vaisseau amiral.

— Pas très bonne pour vous. Ils font demi-tour pour aller défendre leur chef.

Ce qui signifiait que quatre frégates ennemies allaient bientôt l’attaquer. Non, trois frégates ennemies. Elle vit l’un des appareils rompre la formation pour tenter de se dégager de la zone des combats.

— Il vaudrait mieux prévenir les…

— C’est déjà fait, chef Jumeaux.

Dans les basals dovins de son engin, Jaina perçut les ondes gravifiques signalant que deux autres escadrons de navires stellaires venaient de rejoindre l’espace réel. Deux Dragons de combat, trois croiseurs de classe Nova et leurs chasseurs d’escorte, envoyés sur les lieux par la marine Hapan et dirigés par l’ancienne camarade de formation de Jaina en personne, la Reine Mère Tenel Ka, chef des soixante-trois planètes habitées constituant le Consortium Hapes.

Salutations ! formula Tenel Ka dans la Force. La personnalité puissante de la reine envahit la perception de la Force ressentie par Jaina. La présence d’un Jedi supplémentaire venait d’accroître considérablement l’efficacité du lien psychique.

Bienvenue à Obroa-skai, votre majesté, essaya d’exprimer Jaina. Nous vous avons réservé le vaisseau amiral. Elle ne parvint pas à savoir si une pensée aussi complexe avait été perçue, mais elle sentit que Tenel Ka en avait compris la substance.

La flotte Hapan, comme les appareils de la Nouvelle République initialement, était restée en retrait à quelques années-lumière d’Obroa-skai, attendant le moment d’intervenir. Les expériences passées de collaboration entre la flotte Hapan et celle de la Nouvelle République – sur Fondor, par exemple – s’étaient soldées par des catastrophes. Tenel Ka avait donc pris un énorme risque politique en décidant de conduire ses vaisseaux jusque-là. Jaina et le général Farlander souhaitaient se montrer très prudents en faisant appel à leurs alliés. On était donc convenu que les vaisseaux Hapan ne seraient mis à contribution que pour porter l’estocade et assurer la victoire, ou bien pour protéger une retraite.

La contribution des Hapan consista en définitive en un massacre total et organisé de l’adversaire. Leur tactique habituelle reposait sur une charge de front, ouvrant le feu de tous les canons simultanément sur une seule cible, créant ainsi un mur énergétique massif. Cette tactique s’avéra parfaitement adaptée à la situation. Les Dragons de combat, en route vers le vaisseau amiral ennemi, éliminèrent les appareils de transport, concentrant l’intensité du mur de feu pour mettre leurs opposants en pièces. Abasourdie, Jaina observa les trois croiseurs, semblant n’en former qu’un seul, fuser vers le vaisseau amiral en vomissant des nuées et des nuées de projectiles mortels. La plupart des missiles passèrent les barrages et la jeune femme vit alors de gigantesques explosions, accompagnées de geysers de débris, crever la coque de l’engin.

Les armes énergétiques Hapan nécessitaient jadis un délai de rechargement infini. Mais, après Fondor, les ingénieurs de la Nouvelle République avaient confié aux Hapan des batteries de turbolaser capables de se charger beaucoup plus vite. Les croiseurs de combat continuèrent donc de pilonner leur cible, bientôt rejoints par les deux Dragons. Le vaisseau amiral chancela sous les impacts. Des flammes de plus en plus massives jaillirent des multiples brèches béant dans sa coque. Le reste de la flotte Yuuzhan Vong considéra alors que le navire amiral était définitivement perdu. Les engins ennemis se dispersèrent dans toutes les directions, avec à leurs trousses des escadrons alliés. Jaina en fut très surprise. Elle avait imaginé qu’ils défendraient jusqu’au dernier leur Seigneur Suprême.

Une frégate extraterrestre, encerclée par ses adversaires, sauta trop tôt dans l’hyperespace. Elle fut immédiatement aspirée de nouveau dans l’espace réel par la gravité d’Obroa-skai. Ses basals dovins de compensation d’inertie succombèrent sous le choc et les individus à bord du vaisseau furent catapultés vers les cloisons à six dixièmes de la vitesse-lumière. La collision déclencha une tornade de plasma chauffée à blanc qui déchiqueta la coque de l’engin ennemi et en projeta les morceaux dans le cosmos. Une autre frégate fut mise en pièces par des croiseurs républicains. De tous les vaisseaux capitaux, seule une frégate parvint à fuir dans l’hyperespace, accompagnée par les quelques coraux skippers ayant survécu à l’assaut. Les vaisseaux Hapan détruisirent l’engin amiral ennemi à leur deuxième passage. Les chasseurs stellaires arpentèrent le secteur pour abattre les derniers coraux skippers, privés de chef.

Les vaisseaux alliés rescapés de la bataille se retrouvèrent seuls. Il ne leur restait plus qu’à mettre le cap sur Obroa-skai, détruire le yammosk implanté sur la planète d’un tir bien ajusté et bombarder toutes les installations Yuuzhan Vong, jusqu’au plus petit baraquement, en prenant soin de ne pas abîmer ce qui pouvait rester des archives.

Jaina observa les opérations se terminer d’elles-mêmes. Sa tête bourdonnait sous le coup de la stupéfaction. Son plan avait marché. Elle venait de tuer Shimrra, Seigneur Suprême des Yuuzhan Vong. Elle n’avait peut-être pas gagné la guerre, mais elle avait au moins conduit l’un de ses épisodes les plus fatidiques.

Un grondement de Wookiee retentit dans son comlink.

— Oui ! annonça Tesar. Félicitations !

Acclamations et applaudissements retentirent sur les canaux de communication. L’escadron de Jaina, les compagnons qu’elle avait menés au-devant du danger louaient son succès. Une joie indescriptible, dont elle n’avait guère l’habitude, s’empara d’elle.

— Merci, balbutia-t-elle. Merci à tous.

D’autres messages de félicitation flottèrent dans le lien psychique de la Force. Une communication reçue depuis le navire amiral.

— Attention ! Message du général.

La voix de Keyan Farlander, lorsqu’elle s’éleva dans le comlink, parut un peu perplexe.

— Je viens de recevoir un message de nos services de renseignement nous conseillant de ne pas attaquer, ou bien de battre en retraite au cas où les combats auraient déjà commencé, dit-il.

Jaina éclata de rire. La victoire avait été remportée tambour battant et les services de renseignement étaient encore plus à la traîne qu’à l’habitude.

— Je suppose qu’ils ne vous ont pas expliqué pourquoi ?

— Eh bien… répondit Farlander. Il semblerait qu’il y ait un problème. Apparemment, le Seigneur Suprême Shimrra ne se trouvait pas à bord du vaisseau amiral.

La voie du destin
titlepage.xhtml
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_000.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_001.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_002.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_003.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_004.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_005.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_006.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_007.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_008.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_009.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_010.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_011.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_012.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_013.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_014.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_015.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_016.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_017.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_018.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_019.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_020.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_021.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_022.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_023.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_024.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_025.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_026.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_027.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_028.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_029.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_030.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_031.htm
Walter Jon Williams - La voie du destin_split_032.htm